La dernière séance à Vevey
Chers fans et parrains,
Peut-être avez-vous manqué la dernière séance à Vevey, samedi 30 juin, ou aurez-vous plaisir à relire l’extrait du discours de Jean-Renaud Dagon ci-dessous.
Avec nos remerciements réitérés pour votre précieux soutien et nos meilleures salutations.
Toute l’équipe de l’atelier typographique Le Cadratin
"Bonjour, je vous souhaite la bienvenue dans cette dernière séance à Vevey.
Comme vous le savez maintenant le Cadratin va quitter Vevey, Oh ce n’est pas avec plaisir, mais c’est la seule solution pour lui éviter la casse. En effet tout le monde est au courant que la vie de l’atelier est suspendue à la décision de nos chers propriétaires de démolir ce lieu magique pour en faire un objet plus rentable.
J’aimerais remercier les filles Eultgen, Mesdames Cosette Fardel et Esther Montandon, grâce à vous qui vous êtes battues pour que nous puissions rester jusqu’au bout de ce qui nous était dû, c’est-à-dire le respect d’un acte notarié, vous êtes nommées Membre d’honneur des Vrais Amis du Cadratin un grand merci à vous deux, ces quelques fleurs pour vous montrer notre gratitude.
J’ai eu le plaisir de côtoyer Madame Eultgen (la maman) et me souviens le jour en fin de journée où elle a tapé à la fenêtre pour me demander de lui rendre un petit service « pourriez-vous me remettre ma boucle d’oreilles » qu’elle n’arrivait pas à fixer, je me suis donc mis à genoux pour être à la bonne hauteur et me suis acquitté de mon travail d’orfèvre, elle a été très contente de mon intervention.
Depuis que l’on sait qu’un jour ou l’autre nous devrions sortir de ce lieu, nous avons beaucoup cherché, mais en vain, ce n’était pas évident de trouver chaussure à notre pied. Mais je me disais qu’une bonne étoile veillait sur moi, mais comment s’imaginer que cette bonne étoile, serait un mouton.
Explications : lors de l’assemblée générale de 2017 un couple sympathique, Françoise et Jacques Thouanel tombés sous le charme du Cadratin me disent en sortant de l’atelier qu’il faut absolument trouver une solution et qu’un lieu s’offrira à nous pour nous accueillir. J’ai rétorqué que c’était possible, mais qu’il ne faut pas oublier le couloir de l’oubli, etc. etc. Ils sont repartis avec le livre du Cadratin contant la vie de l’atelier pendant 25 ans.
Quelques mois plus tard, nous recevons un SMS long comme le bras de leur part nous demandant de prendre contact avec un municipal de Sottens afin de visiter un lieu rempli d’histoire qui n’est autre que l’ancien émetteur national de radiodiffusion. Nous prenons rendez-vous avec le dignitaire et nous visitons le bâtiment qui abritait il y a encore peu l’émetteur de Sottens. Cela a été un choc, c’est incroyable la grandeur des lieux, c’est enivrant. Nous nous projetons très vite en pensant de suite à la position de notre matériel ; nous partons de 300 m2 pour arriver à presque 900 m2, mais cela fait un peu peur. Après négociation nous trouvons un accord pour un loyer raisonnable pour les deux parties, et nous voilà au pied du mur.
Bon, c’est bien joli, mais le mouton il intervient quand ?
Françoise et Jacques Thouanel habitent un très bel endroit à Thierrens, près de Sottens et sont entourés d’animaux, dont 9 moutons. Un jour, un des pensionnaires fait un malaise et l’intervention d’un vétérinaire est demandée. Madame Engeli, vétérinaire est amenée au chevet du malade. Après son intervention le mouton est à nouveau sur pieds et, comme c’est le cas à la campagne, ils se retrouvent autour de la table de la cuisine à boire un café et papoter. La discussion se porte sur la recherche de local pour cette imprimerie à l’ancienne. Madame Engeli leur parle de l’émetteur qui cherche un nouveau locataire depuis un certain temps et que cela devrait être intéressant. Et Hop, l’affaire est sur les rails de la réussite.
Après cette parenthèse du mouton, comme dit tout à l’heure, nous voilà au pied du mur il n’y a plus qu’à…… comme me le dit Marianne notre présidente il n’y a plus grand-chose à faire, que faites-vous cet été ? Oh, Hugues va bricoler, tout va bien. Il est très difficile de se rendre compte de la masse de travail à effectuer. Il faut mettre les meubles sur palettes et préparer l’arrivée des camions. Les presses quant à elles seront prises en main par des monteurs professionnels.
Mais je reste confiant dans la suite des événements. Une équipe travaille d’arrache-pied depuis quelques semaines sur le site de Sottens sous la direction de Silvio Giobellina, et cela prend forme, la cuisine est prête à être posée, les sols des 5 pièces sont en mesure de recevoir du matériel dont le laboratoire Marcel Imsand. La partie de plain-pied où se trouvera la salle des machines, qui est louée jusqu’à fin août sera terminée après un coup de peinture. Les machines pourront arriver. La grande salle de composition attend la pose d’une galerie pour les futures expositions, après la réfection du plafond à isoler et changer, ce n’est pas une petite affaire, le plafond est à 6 mètres.
Vous pouvez vous rendre compte de l’avancée des travaux sur l’écran placé à l’entrée de la composition (la vidéo est disponible ici).
Si ce projet est bien avancé, c’est grâce à vous tous présents ou absents, toutes les personnes qui ont répondu à nos sollicitations soit financières soit en qualité de bénévoles. J’ai la même émotion quand nous recevons 10 francs sur le compte de la Fondation que quand nous recevons le virement de la Loterie Romande qui nous aide dans cette aventure.
L’engouement pour ce projet me conforte dans ma conviction que c’est un beau projet.
Je ne peux pas finir cette intervention sans remercier deux personnes qui travaillent dans l’ombre sans qui ce projet ne serait pas là où il en est actuellement, Catherine Moillen Giobellina et Ruth Dagon, un grand merci à vous deux et toutes les personnes qui de près ou de loin portent cette belle réalisation à bout de bras.
Plus le temps passe plus je réalise que je dois quitter ce lieu et qu’il va me manquer. Comme je suis de caractère positif j’oublie les tourments passés, et je garde en mémoire les grands moments vécus ici, à l’image du 24 juin 2006 où sortaient de presses six ouvrages un an et demi après mon AVC, du 28 juin 2008 avec la magnifique exposition de Michel Olyff et la sortie du Ranz des Vaches avec concert des armaillis, du 31 octobre 2009 l’hommage à Fernand Parisod, du 30 octobre 2010 la première exposition de Mail Art de Roger Dewint, du 29 octobre 2011, sorties de presses avec entre autre Atmosphères de Marcel Imsand et Philippe Dubath, du 2 novembre 2013 sortie du livre Cadratin et la fête des 25 ans de l’atelier, je vais arrêter là, mais la liste est longue.
Afin de palier à ce coup de blues Laurence Baudat m’a dit de faire des photos et de ne garder que les bons souvenirs, alors je vais compléter mon album.
Merci.
Je vais terminer cet intermède par ces quelques lignes sorties de la chanson d’Eddy Mitchel « La dernière séance »
Mais je connais le destin
D’un cinéma de quartier
Il finira en garage
En building supermarché
Il n’a plus aucune chance
C’était la dernière séance
Et le rideau sur l’écran est tombé
MERCI."