Le vilain petit canard du MO
L'histoire de notre BDe 4/4 5 mérite que l'on s'y attarde un peu. Aujourd'hui au programme : la genèse de notre automotrice et son arrivée au MO, qui ne se passa pas comme prévu...
En 1951, alors que se décidait la construction de la ligne Sembrancher-Le Châble, les responsables du MO réalisèrent que le matériel roulant existant ne suffirait plus. On hésita longuement sur le type de véhicule, le choix se porta finalement sur un fourgon automoteur (autrement dit, une locomotive avec un compartiment marchandises). Fait étonnant, ce fut l'équipement électrique qui fut conçu avant tout le reste, la carrosserie et la partie mécanique furent ensuite construites en fonction.
Plusieurs offres furent demandées et en automne 1952, les Ateliers de Constructions Mécaniques de Vevey (ACMV) remportèrent le contrat. Il semble que le critère principal ait été le prix (605'000 CHF de l'époque), car la compagnie ne roulait pas sur l'or et dût même emprunter une bonne partie de la somme à la Banque Cantonale. En cours de conception, on décida tout de même d'ajouter un compartiment voyageurs au véhicule.
Avec plus d'une année de retard, le véhicule initialement nommé BCFe 4/4 5 et construit par l'usine ACMV de Villeneuve fut livré en juillet 1955. L'équipe dirigeante du MO avait entretemps changé et ne pouvait comprendre comment l’on avait pu commander un véhicule de 16,3 mètres seulement, qui ne proposait que 16 places en deuxième classe et 8 en première. De plus, malgré sa construction en acier et sa puissance de 1000 CV, la BCFe 4/4 5 était peu confortable par la faute d’une suspension peu fiable (et d'une ligne en mauvais état, ce que ne mentionnèrent pas les dirigeants mécontents dans leurs critiques).
Malgré les améliorations apportées par les ACMV, la compagnie n'était toujours pas convaincue et se permit même de ne pas payer la dernière mensualité au constructeur. Elle essaya en vain de revendre la machine, renommée ABFe 4/4 5 en 1956, puis se résolut amèrement à la conserver. Bien des problèmes auraient pu cependant être évités par la direction elle-même : elle avait choisi de demander des places assises dans un véhicule qui n'était pas conçu pour cela. De plus, elle l'avait fait construire autour d'un équipement électrique existant (car semblable avec le reste de son matériel roulant pour faciliter la maintenance), ce qui n'arrangea pas les choses.
Sorte d'hybride entre une locomotive et un automotrice, l'ABFe 4/4 5 était robuste et puissante, mais trop petite et moins confortable qu'attendu. Si elle était désormais le vilain petit canard du Martigny-Orsières, elle allait pourtant se rendre bien utile pendant près de cinquante ans. La suite au prochain épisode !
L'image représente un extrait du plan de l'automotrice.